« Agis comme si j’étais toujours à tes côtés »
Conférence -témoignage de Simone Polak avec les élèves des lycées ORT et Sainte Clothilde de Strasbourg
« Agis comme si j’étais toujours à tes côtés », c’est la dernière recommandation que la maman de Simone polak lui a adressé dans le wagon à bestiaux du convoi 74 du 20 mai 1944 qui les conduisait avec le petit frère âgé de sept ans à Auschwitz-Birkenau… 70 ans plus tard, cette recommandation devenait le titre de son ouvrage, un témoignage tardif qui allait la faire sortir de son silence.
« Je me suis rendu compte que d’autres avaient parlé et écrit »
En 2015, Simone Polak a été invitée avec d’autres rares survivants par François Hollande pour les 70 ans de la libération d’Auschwitz Birkenau. « Je me suis rendu compte que d’autres avaient parlé et écrit » avait-elle dit à ce moment-là…
C’est durant deux heures entières qu’elle a parlé aux élèves des lycées ORT et Sainte Clothilde de Strasbourg, lors d’un après-midi de témoignage émouvant et fort aux dire d’une jeune élève de Seconde GT.
C’est l’histoire d’une poupée reçue pour ses 12 ans, abandonnée lors du départ de la famille à l’arrivée des allemands, spoliée avec le mobilier de la maison de Saverne, retrouvée et exigée aux voisins lors de son retour, orpheline et âgée de 16 ans à l’issue de la guerre… qui a ouvert ce témoignage.
La famille de Simone Polak, sa mère et son petit frère de 7 ans, se réfugient dans le petit village de Gevingey dans le Jura en zone dite libre après leur exode, c’est au printemps 1944 que la famille fut dénoncée et déportée à Auschwitz en passant par Drancy et Bobigny. 1200 personnes, hommes femmes, enfants, vieillards, faisaient partie du convoi 74. Elle fut parmi les rares personnes à revenir, orpheline.
Une mémoire exceptionnelle de tous les instants vécus
Simone Polak raconte avec une mémoire exceptionnelle les histoires et les expériences vécues, son enfance, la dénonciation, la rafle, le premier enfermement à Drancy, le trajet infernal de trois jours dans des wagons à bestiaux qui sentaient déjà la mort, avec des vieux, des malades ou des handicapés, l’arrivée à Auschwitz, la sélection sur la rampe du sinistre camp, les dernières paroles de sa mère, leur séparation, la déshumanisation, le tatouage, la quarantaine, les appels qui duraient des heures, la mort qui rodait à ses côtés jusque dans les châlits, les brimades et les coups, les journées à travailler sans but, la faim, la fatigue, la chaleur et le froid, la lutte pour la survie, l’amitié d’une étrangère nommée Sarah mais aussi le sentiment de solitude, le quartier des malades, la baraque des polonaises, le courage et les efforts qu’il fallait avoir pour préserver une once d’humanité, le passage à Bergen-Belsen, la libération par l’Armée rouge puis le difficile retour à Strasbourg, avec une longue maladie, la tuberculose osseuse consécutive aux coups assénés par un SS mécontent de son travail de cantonnier… la difficile et impérieuse reconstruction d’une orpheline alors âgée de 16 ans.
Les mots de Vladimir Jankelevitch dans son livre L'imprescriptible :
« On croyait savoir et on ne savait pas encore, ni à quel point. » avaient alors une résonnance forte au milieu de tous, élèves et enseignants.
Et Simone Polak de rajouter « Lorsque nous sommes rentrés à Strasbourg avec mon oncle, les rares personnes qui étaient revenus avaient été victimes de la guerre, incorporés de force, déplacés, déportés, victimes des bombardements, blessés ou malades… Il était alors impensable de parler de notre souffrance… » tant d’autres avaient souffert, mais le sort réservé aux Juifs était tout de même terrible a-t-elle souligné pour justifier en partie ce long silence. La seconde raison qu’elle évoque : « il fallait se reconstruire, oublier le passer et aller de l’avant ! »
Simone Polak réussit à nous dire avec une sobriété inouïe, sans rien d'incantatoire ni de larmoyant ce que fut cette terrible expérience vécue de la Shoah. La nonagénaire au regard clair et bienveillant, à la mémoire infaillible, à l’esprit généreux et toujours positif a quitté la salle à l’issue de cet exceptionnel récit sous les applaudissements des jeunes lycéens en s’appuyant sur son déambulatoire. Ce témoignage unique de l’une des dernières rescapées d’Auschwitz à Strasbourg, a été un moment unique et fort pour les personnes présentes et pour les élèves des deux classes de Seconde GT de l’ORT Strasbourg qui partiront en mai prochain pour un périple de la Mémoire sur les principaux sites de la Shoah en Pologne et pour ceux de Sainte Clothilde qui partiront eux pour un périple mémoriel en France, les deux groupes seront accompagnés par leurs enseignants et par le guide-conférencier David Ohnona.